Société des Arts de Genève
Classe des Beaux-Arts
Palais de l’Athénée – Salle Crosnier
1999
14 October, 1999 18:00
14 October, 1999
13 November, 1999
Au premier abord, le travail d’Antoine Stahli apparaît multiforme, voire éclaté puisqu’il peut être peinture, objet, installation sonore, souvenir de performance. De plus, le mode de présentation brouille parfois les classifications que l’on serait tenté d’opérer: des peintures à la rouille sont présentées à plat dans un meuble à tiroirs à l’instar d’un cabinet de dessins, des résidus de peinture sèche déposés dans une écuelle entretiennent un dialogue avec l’image peinte dont ils proviennent et lors d’une récente exposition au hall-Palermo (Genève, 1999), une boîte contenant un set à décaper
«Do it yourself» était fixée au mur, à côté de peintures exposées traditionnellement. Tout semble indiquer que l’artiste se plaît à multiplier les approches. Pourtant, à y regarder de plus près, on constate qu’un geste traverse l’ensemble de ses réalisations, un geste soustractif, à la fois destructeur et créateur qui donne corps à son travail.
Dans les peintures noires déjà (1993-1994), la texture s’inscrivait en creux. Peintes au bitume selon des motifs géométriques simples, les toiles étaient ensuite poncées au papier de verre en un geste répété, rendu visible par le balayage de la lumière. Le rapport physique à la matière, son addition et sa soustraction, parcourent le travail d’Antoine Stahli. Dans les peintures récentes, toujours composées d’éléments géométriques simples, la structure, et les changements de tons s’opèrent par le travail de la texture. Une couche de· peinture, deux couches, une couche poncée … ou toute autre déclinaison sur ce mode, crée un dessin. Economie de moyens et répétition d’un geste en vue d’obtenir des harmonies sensibles. Exploration de la matière-peinture et de sa force chromatique par une sorte de pratique à rebours, comme·dans les dernières toiles colorées, peintes avant de subir un effacement à la térébenthine.
Idem pour les peintures à la rouille, résultats du dépôt et de l’érosion progressive d’une plaque de métal plongée dans l’eau, puis appliquée sur un papier recyclé. Le processus est comparable lorsque l’artiste peint l’ombre d’un objet, puis gratte la couche picturale et la dépose dans une écuelle placée sur le modèle lui-même ou plus radical encore quand il passe au mixer des revues et des catalogue d’art pour en refaire du papier (servant ou non de support à une composition picturale). La destruction est alors également symbolique, puisqu’il réduit en bouillie des propos et des images d’art avant de les réintroduire dans le circuit artistique. Cycle et recyclage à travers un geste simple d’effacement ou de destruction.
Mise à mal de la matière encore lors de la performance réalisée à la Villa Bernasconi de Lancy et au Kiosk de Berne en 1999. S’inspirant d’une coutume populaire grecque, Antoine Stahli avait invité les spectateurs à partager une agape, puis à faire un voeu avant de briser leur assiette sur la table. Reliques de l’action, la table, les assiettes brisées et des polaroïds sont exposés ensemble, attestant la véracité des faits autant que le processus de recyclage récurrent dans son travail.
Florence Marguerat
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